Tuesday, August 21, 2012

Corrigeant arte sur Apfel, Pomme, Mela


1) Logothètes à nos mesures, 2a) Le PIE, a-t-il existé?, 2b) Discussion de Proto-Langue Réelle ou Non, approfondie par référence à Ruhlen, 3) Mythologie Nordique - indo-européenne ou proche-orientale? Transmission par Odin?, 4) Corrigeant arte sur Apfel, Pomme, Mela

Tout d’abord, en latin les parleurs de cette langue n’ont jamais eu l’habitude d’appeler le pommier Pomum Malum. Cette phrase comme nom scientifique pour le pommier est l’invention d’un Suédois (compatriote à moi donc) nommé Carolus Linnæus, annobli Carl von Linné. Il pouvait se prendre des libertés avec le latin parce qu’on avait cessé de le parler comme langue quottidienne. C’est lui aussi « Rosa Rosa » pour rose, et « Canis Canis » pour chien. En plus « pomus malus » n’est même pas le binom correcte. C’est « malus … » selon les cas « … sylvestris, domestica, etc . »

Parlant de Linné, il faisait ça en établissant une taxonomie, une classification des êtres viviants, dont les binoms ne sont que les ultimes précisions, les premiers étant animale, plante ou minéral. Les Darwinistes posent que chaque classification repose sur ancêtres communs pour les diverses classifications correctes, plutôt que sur un créateur commun ou autant que sur un créateur commun : pourtant Linné était fixiste et croyait que chaque être avait le forme de son ancêtre à la création. Il était donc créationniste, et c’est son systématique qu’on utilise parfois comme argument pour l’évolutionisme. En oubliant qu’un créateur commun explique autant qu’un ancêtre commun.

Quand aux Romains, ils appelaient la rose simplement “rosa” et le chien simplement “canis”? Ils n’avaient pas ces binoms Linnéens. Ils appelaient les fruitiers « pômus » et les pommiers « mâlus ». Les noms d’arbres ont ici comme souvant la désinence typique du masculin mais le genre féminin. On bon pommier était donc « bona mâlus ».

Pour le pommier les Grecs devaient avoir le même nom, mais prononcé en « mêlos ».

Et les fruits étaient les neutres des mêmes racines : donc pomum (fruit d’arbre en général), mâlum=mêlon=pomme, cerasum (devinez !), prunum et c.

Les Baltes ainsi que les Slaves et les Germaniques avaient un autre mot pour pomme : jablko en polonais, obelys (prononcé ôbélîs) en lithuanien, appel en certains dialectes germaniques, eppel ou eple en d’autres, et Apfel en allemand. Apel est par exemple le suédois pour pommier, ce que se dit en allemand Apfelbaum, et eple est pomme en norvégien.

Or, aucune des langues française, italienne ou espagnole n’ont gardé le mot « mâlum » pour pomme. Pourquoi ?

À Versailles on prononce ou prononçait autrefois « pâte » et « gauche » avec des voyelles longues, protractés. Ça ne rimait pas avec « patte » ni avec « Hoche ». Les autres maintenant prononcent les voyelles comme brèves, prononçant chaque voyelle comme brève ou sémibrève. La même chose se passait en latin. Et malheureusement un mot existait dont la seule différence avec « mâlum, mâlus » était la voyelle brève. On prononçait mâlum avec un a bref, on prononçait mal, on prononçait le mot latin pour mal et mauvais. « Da mihi mâlum » prononcé correctement signifiait « donne-moi une pomme », avec la nouvelle prononciation, ça devenait « donne-moi quelque-chose de mal ».

Une conséquence est que le/la « pômus » (en latin biblique fruitier) dont Adam et Ève mangeaient la/le « pômum » (fruit d’arbre) pouvait être identifié comme une pomme et était si identifié dans les icônes – dans l’Occident Latin. Uniquement. C’est de là que vient le mal, n’est-ce pas ? Quel autre fruit aurait été meilleur dans ce contexte?

Une autre est que les langues romanes (néolatines, romances) – ou ceux qui parlaient les dialectes du latin rustique qui y correspondent ont changé le mot « mâlum » en d’autres mots.

L’italien a opté pour la forme grècque. Melus, Melo au lieu de Mâlus, Mâlom.

Les français ont opté pour le terme le plus général – encore anobli par les peintures d’église sur la chute des premiers parents. Le texte biblique a le mot « pomus » qui veut dire fruitier, et on l’interprète dans le peuple comme « pommier » selon les icônes. À l’époque les français n’étaient pas si laïcs de tout. À vous de deviner d’où vient le changement.

Je ne sais pas d’où vient le mot espagnol manzana/ maçã en espagnol et portugais. Juste que c’est un autre mot encore.

Deux observations supplémentaires, et d’abord sur forme et genre. Les arbres en latin, sauf ce mot lui-même étaient féminins mais avaient souvent la désinence masculine. Les fruits avaient le désinence et genre du neutre, mais en pluriel le neutre avait la même désinence que le féminin singulier.

« Bona cerasus dat suave cerasum » - un bon cérisier donne une bonne cérise. Mais les bons fruitiers donnent aussi beaucoup des fruits, le plus souvent : « bona cerasus dat multa suavia cerasa ». Et on n’est pas obligé de dire beaucoup, ça suffit de dire « bona cerasus daut suavia cerasa » - ce qui a été pris comme synonyme exacte de la première phrase et donne donc le féminin singulier avec désinence typique pour les fruits. En même temps le gnre des arbres, suivant le mot arbor et la désinence devient masculin.

L’autre question porte sur la « pomme d’api » L’article de wiki cite ceci :

Dans sa seconde édition, parue en 1675, Merlet reproduisit mot pour mot ce renseignement (p. 148), mais en sa troisième et dernière, celle de 1690, il le compléta sous divers rapports :
"L'Apis — y lit-on — est une pomme sauvage trouvée dans la forest d'Apis, en Bretagne... Elle se nomme en Normandie, ainsi que le Gros-Api, la pomme de Long-Bois, qui en effet s'élève beaucoup et charge par glanes. » (Page 138.)

Ainsi c'est d'une forêt bretonne que sortit l'Api, à l'exemple du Bési d'Hérie, poire séculaire dont le berceau fut, aux environs de Nantes, la forêt d'Hérie, détruite vers 1640. Mais si je sais où cette dernière était située, j'ignore en quel lieu s'élevait celle d'Api, disparue probablement depuis un temps beaucoup plus long. Les cartes d'Ogée sur la Bretagne, gravées en 1771, m'ont seules montré près du Rheu, bourg voisin de Rennes, un petit hameau du nom d'Apigné, à l'entour duquel sont figurés quelques taillis. Serait-ce là que se voyait jadis la forêt d'Api, citée par Merlet ?... À d'autres le soin d'éclaircir ce point, encore obscur pour moi. »


Avant de finir, du pommier à l’autre fruitier que je viens d’évoquer. Le singulier cerasum est emprunté par l’allemand à une époque où ça se prononçait encore kérasum et donne donc Kers(e), Kirsch(e) – et en normand cérise se prononçait chérise, ce qui donne le mot anglais cherris quand c’était la forme en singulier , et ensuite la forme est interprêté comme un pluriel, et on forme le nouveau singulier cherry. Les langues Scandinaves suivent l’allemand, et ajoutent –bær (=baie).

Mais à part ces details (si on veut) arte faisait un bon courtmétrage sur la question linguistique dimanche passé.

Hans-Georg Lundahl
Boulogne-Billancourt
Jour de St Christophe
21-VIII-2012

Mise à jour, 24-XI-2015 : corrections d'orthographe et mise ensemble avec les autres dans la série./HGL

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