Monday, September 16, 2013

Manuel da Nóbrega: "La diversité pourtant nait par l'éducation et par les autres circonstances, et non par la nature qui est égale en tous les êtres humains."

C'est étrange comme certains intellectuels ont une hargne envers l'église

Je viens d'ouvrir Brésil, épopée métisse dans la collection Découvertes Gallimard.

P. 49 je cite:

En 1554, le père Manuel da Nobrega l'expose dans son dialogue sur la conversion des Gentils: "Ce destin leur vient de leurs ancêtres, parce que nous croyons qu'ils descendent de Cham, fils de Noé, qui a vu son père ivre dans une posture indécente; de là, viennent leur malédiction, leur nudité et leurs autres misères."


Dialago sobre a Conversão do Gentio
http://www.ibiblio.org/ml/libri/n/NobregaM_ConversaoGentio_p.pdf


Et voici le sommaire: Collocutores, Condiciones Indorum quae conversioni christianae opponuntur, Sed amore Dei laborandum est, quia etiam Indi filii Dei sunt, Et homines sicut nos, Opiniones circa conversionem Indorum, et ainsi de suite.

Il y a pourtant un passage où les titres sont plus généraux, et c'est de ce passage que sont tirés les mots de Nugueira (l'un des deux interlocuteurs du dialogue):

Effectus peccati originalis, Diversitas hominum, Diversitas tamen oritur ex educatione aliisque circunstantiis, non vero ex natura quae aequalis est in omnibus hominibus, Sed absque Dei gratia non obtinetur conversio christiana, etc

Restons sur le sommaire que Manuel da Nóbrega fait d'un des passages, il donne une clé pour comprendre quelle est l'opinion de l'auteur:

Diversitas tamen oritur ex educatione aliisque circunstantiis, non vero ex natura quae aequalis est in omnibus hominibus
=
La diversité pourtant nait par l'éducation et par les autres circonstances, et non par la nature qui est égale en tous les êtres humains.


C'est dans ce contexte que Nugueira dit que les uns ont eu une pire éducation par la malédiction de Cham, tandis que les autres ont eu des graces - pourtant assez peu utiles aux payens en total jusqu'à la conversion - comme la philosophie. Le passage finit sur la difficulté de convertir les Juifs. Entre-temps il y a eu une négation assez explicite de l'explication facile que les uns ont une meilleur tête que les autres. D'esclavage je n'ai pas vu une seule mention dans ceci.

Peut-être Mario Carelli était un mauvais latiniste? Fallait lire alors le portugais. Et comprendre la réplique correctement. Et en plus: c'est curieux comme il adule les Hollandais, avec leur Judéophilie, ça ne s'explique pas par le fait d'être des mauvais latinists. P. 56, je cite:

Malgré sa tolérance, et notemment son attitude favorable aux Juifs, le gouverneur Jean Maurice de Nassau ne peut se passer de l'institution de l'esclavage, même maquillé en servage.


De la suite on voit comment un Noir, Henrique Dias, devient héro de la résitence brésilienne aux Hollandais. Brésil s'en souviendra longtemps.

Ceci devient peu compréhensible si les Portugais étaient pire que les Hollandais et si les Catholiques étaient pires que les Calvinistes en racialisme. La wikipédie néerlandaise nous donne que les Hollandais commençaient de faire le trafic négrier par pur pragmatisme et c'est ensuite qu'ils se trouvent - des Calvinistes comme Jean Maurice de Nassau - une excuse commode dans leur interprétation des trois fils de Noé. Pour eux, oui, la Théologie en tant qu'exégèse protestante donne cette excuse pour l'esclavage des Noirs. Pas immédiatement, mais dès le 17e Siècle.

Pourtant il aurait pu être averti par d'autres événements qu'il raconte que c'est ainsi. Cabral encourage de la suite le mariage bien chrétien avec les Indiennes. Nicolas Durand de Villegagnon qualifie les Indiens de "bêtes à apparence humaine".

Pour peupler la France antarctique, il fait donc venir des bons chrétiens, disciples de Calvin pour la plupart.


S'il était un Calviniste lui-même? Selon la wikipédie, ce n'était pas exactement le cas, il va polémiser avec les Calvinistes et participer aux Guerres de Religion dans le camp catholique. Néanmoins, il avait été compagnon d'études avec Jean Calvin avant l'apostasie de ce dernier et son compagnon en France antarctique, Jean de Léry, écrivain et chroniqueur de cette expédition l'était:

D’origine modeste, Jean de Léry apprend le métier de cordonnier. Il se convertit à la Réforme et se réfugie ensuite en Suisse à Genève. En 1557, Jean Calvin l'envoie avec treize autres Genevois rejoindre la « France antarctique » de Nicolas de Villegagnon, établissement français dans l'actuelle baie de Rio de Janeiro. Il y reste du 7 mars 1557 au 4 janvier 1558. La concorde religieuse semble d'abord régner mais, en octobre, les protestants sont chassés de « l'île Coligny » ou Fort Coligny et doivent partager la vie des Indiens Tupinambas, avant d'être définitivement expulsés du Brésil. Ces quelques mois passés dans l’intimité d’anthropophages marquent profondément Léry, déchiré entre son admiration des « sauvages » et son rejet du paganisme. À son retour, ses amis le prient d'écrire un livre pour conter ses expériences, mais il perd deux fois le manuscrit après l’avoir prêté à des amis pour qu’ils le lisent. Il ne le publie qu’en 1578, sous le titre Histoire d'un voyage fait en la terre du Brésil. L'ouvrage se présente d’abord comme une réponse à André Thevet qui rejetait la responsabilité de l’échec de la colonie en France Antarctique sur les protestants.


Nicolas de Villegagnon avait donc sollicité le concours de son ancien copain d'études, Jean Calvin. Parions que collège Montaigu (où ils étaient les deux) ... pourquoi parier? La wikipédie nous enseigne:

Quand en 1483 Jan Standonck est nommé principal le collège est à nouveau ruiné faute de moyens financiers. Il est qualifié de " collège de pouillerie " par Rabelais dans Gargantua. Ardent partisan de la réforme morale de l'Église, il va y imposer la pédagogie des Frères de la vie commune, une discipline sévère rétablissant même l’usage des châtiments corporels comme le fouet, et une pratique religieuse assidue.

...

Le collège devint l’un des centres les plus célèbres de la préréforme catholique du XVe siècle.


Peut-être pas la meilleure faculté pour apprendre à apprécier comme il faut l'humanité de certains indigènes, que certains européens qualifieraient d'indisciplinés. C'est vrai que St Ignace y était aussi:

Ignace de Loyola avant de partir pour le Collège Sainte-Barbe y suivit en 1528-1529, des cours de pédagogie et emprunta à la règle de vie des pauvres des éléments importants pour les méthodes d’enseignement des collèges jésuites .


Villegagnon et Calvin ont fini à Montaigu, John Major qui a enseigné le sanguinaire John Knox avait été à deux reprises à Montaigu et même étudié la théologie sous Standonck, tandis que St Ignace a fait un transfert à Ste Barbe (que John Major avait quittée) et Érasme se souvient avec très peu d'affection de Jean Standonck:

Érasme, dans ses Colloques, qui y séjourna en 1494-1495 et bien qu'élève privilégié, se souvint du régime : « Voici trente ans, écrivit-il dans les Colloques, j'ai vécu a Paris dans un collège... ou régnait Jean Standonck, homme d'intentions louables, mais tout a fait dépourvu de jugement. Se rappelant sa jeunesse, qu'il avait passée dans une extrême pauvreté, il ne négligeait pas les pauvres : on doit l’en approuver hautement. Et s'il s'était contenté d'alléger leur misère, de procurer à des jeunes gens les modestes ressources nécessaires à leurs études, il aurait mérite des louanges. Mais il se mit à son entreprise avec une autorité si dure, il les contraignit à un régime si rude, à de telles abstinences, à des veilles et des travaux si pénibles, que plusieurs d'entre eux, heureusement doués et qui donnaient les plus belles espérances, moururent ou devinrent, par sa faute, aveugles, fous ou lépreux, dès la première année d'essai : aucun ne resta sans courir quelque danger. N'est-ce pas de la barbarie envers le prochain ? ...


Et d'autres aussi ont quitté Montaigu:

Noël Béda et Pierre Tempête qui lui succédèrent négligèrent la congrégation et un certain nombre de disciples décidèrent de la quitter et se regroupèrent autour d’ Ignace de Loyola pour créer une société qui répondent mieux aux règles de la congrégation, ce qui fut à l’origine de la Compagnie de Jésus.


Je crois qu'on peut alors voir les lignes déjà tranchées bien avant la colonisation de Brésil: Jésuites en Humanistes, Calvinistes en rudes Disciplinaires. Ce qui explique un peu mieux pourquoi - contrairement à l'allégation gratuite de Mario Carelli - le Jésuite da Nóbrega n'essaie pas à justifier l'esclavage par un racialisme lié à Cham (il explique juste la misère morale collective de certains peuples - à travers Nugueira - par de malchance liée à la malédiction), et pourquoi les Calvinistes finiront par le faire.

C'est un peu ça la malchance d'être colonisés: on subit les partis pris dans un autre continent à partir des conflits dont on sait autant peu que les Indiens et Noirs de Brésil du Collège de Montaigu. Mais, au moins, on a fini de la part des Noirs, comme Henrique Dias, de comprendre que les Catholiques étaient mieux que les Calvinistes pour eux, les Portugais mieux que les Hollandais.

Allons alors sur la question de la Judéophilie de Carelli, puisqu'il semble croire que celle de Nassau allait être bon pour les esclaves et leur libération. Je ne sais pas si Carelli est lié indirectment au Judaïsme, mais sinon il aurait pu se demander si les Juifs ont été bons pour les Noirs. Il y a une décennie quelqu'un a été condamné pour antisémitisme en disant que les Juifs étaient surrépresentés comme marchands d'esclaves. L'argument contre cet auteur a été une statistique qu'ils ont été très minoritaires parmi les possesseurs d'esclaves. Soit, mais normalement le marchand d'une quelleconque entreprise est très minoritaires parmi les possesseurs finaux de cette marchandise - donc si les Juifs ont été très peu parmi les possesseurs d'esclaves, ils ont néanmoins pu être préponderants parmi les marchands d'esclaves. La question mérite d'être étudiée. Pas d'être tranchée par une soi-disant justice tribale Judéophile.

Il me semble que tandis que les Catholiques et les Orthodoxes ont cru la malédiction de Cham par Noé sans en tirer une quelleconque conclusion racialiste contre les Noirs, notemment en ce qui concerne justification d'une chasse aux esclaves, ça n'a pas été le cas pour les Juifs, Mahométans, Calvinistes, pour les citer en ordre chronologique. Et ensuite, la manière de traiter les Noirs ... la Confrérie [que je croyais] fondée par le prêtre Pierre Vieira (sic scripsi!)* l'imagine-t-on une chose pareille parmi les esclaves des Hollandais Calvinistes?

En même temps, les Catholiques, notemment Portugais et Espagnols, donc des pays très libres du Calvinisme, ont eu des esclaves - et surtout les Portugais. Mario Carelli va à côté de la vraie explication ou excuse qu'ils se sont prise. Qui, elle, n'est ni racialiste (la nature est égale en tous les êtres humains), ni liée directement à la malédiction de Cham, mais par contre liée à certaines situations dans les croisades. Il semble qu'un roi de Portugal ait eu un ordre d'un pape de soumettre en esclavage les Noirs qui ne veulent pas être baptisés et qui s'opposent aux missionnaires - du contexte historique il parait qu'il s'agit d'un endroit où la population était de fait noire et de fait aussi farouchement opposée aux missionnaires. Ce qui justifie ce pape. Ensuite les rois de Portugal semble avoir gardé la bulle et l'appliqué en d'endroits où les Noirs n'étaient vraiement pas si mauvais que ça. Ils avaient quand même l'excuse d'avoir une bulle papale, et celle-ci n'avait pas explictement cité des limites géographiques ou temporaires pour l'autorisation de faires des esclaves parmi les Noirs involontaires de se faire baptiser. Parce que ce pape avait sans doute un pessimisme vis-à-vis les Noirs (une peuplade noire avait effrayé St Matthieu ou St Matthias avec des coûtumes cannibales, dont l'Apôtre avait été sauvé miraculeusement par St André et on a pu à cette époque là avoir eu l'impression qu'ils étaient solidaires avec leurs conquérants d'avant, les Mahométans) que d'autres Papes - mais eux ils s'adressaient aux Espagnols à propos les Indiens - ne partageaient pas.

L'auteur Carelli aurait donc fait très bien de conférer avec la vraie histoire de la théologie à propos la question de l'esclavage des Noirs.

Hans-Georg Lundahl
Nanterre, Paris X
St Cyprien de Carthage
16-IX-2013

Les articles wikipédia que j'ai cités ou dont j'ai tiré renseignements:

Nicolas Durand de Villegagnon, Collège de Montaigu, Érasme, Jean de Léry, John Knox, John Mair or Major - l'article me signale une possibilité que j'ai simplifié son influence sur les Calvinistes, mais le fait qu'il soutenait les Indiens contre les Espagnols (et par là provoquait la Controverse de Valladolid sans doute), ne me rassure pas totalement qu'il n'était pas racialiste contre les Noirs (comme l'était à Valladolid las Casas).

*Je n'ai pas trouvé un article de wikipédia sur le fondateur de la Confrérie des Noirs, donc j'ai pas l'assurance que son nom était Pierre Vieira. Je vais vérifier quand je me retrouve avec le livre dans la Bibliothèque.

Plus tard: J'avais tort d'ailleurs. Le Père Vieira ne s'appelle pas Pierre (donc Pedro) Vieira mais Antonio Vieira SJ. Et puisqu'il était Jésuite, il n'était pas l'organisateur de la Confrérie de Notre Dame du Saint Rosaire, les Dominicains l'étaient.

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